MANDATAIRE - Responsabilité

 

POINTS-CLES

 

1. - L'arrivée des mandataires professionnels a provoqué un durcissement du régime de la responsabilité des articles 1991 et suivants du Code civil (V. n° 1 à 8).

2. - La responsabilité du mandataire est engagée envers le mandant s'il manque à son obligation de diligence, de loyauté, ou d'information et de conseil (V. n° 14 à 28).

3. - La charge de la preuve de la faute du mandataire varie selon qu'il est tenu d'une obligation de moyens ou de résultat, tandis que l'appréciation de la faute dépend de la gratuité ou non du mandat (V. n° 34 à 49).

4. - Le mandant peut rechercher la responsabilité du mandataire initial ou du mandataire substitué. Dans le premier cas de figure, le régime de l'action varie selon que la substitution a été agréée, ou non, par le mandant (V. n° 59 à 77).

5. - La responsabilité du mandataire peut être engagée sur le terrain contractuel dans deux hypothèses : celle où le mandataire n'a pas respecté les directives du mandant, tout en s'engageant personnellement envers le tiers qui connaissait l'étendue de ses pouvoirs ; celle où le mandataire respecte les instructions du mandant, quand le tiers ne connaissait pas l'existence du mandat (V. n° 81 à 97).

6. - La responsabilité délictuelle du mandataire est engagée quand il dépasse ses pouvoirs, tout en donnant aux tiers de fausses informations sur l'étendue de sa procuration (V. n° 99 à 103).

7. - Le constat d'un dépassement de pouvoir n'est pas indispensable en présence d'un délit ou d'un quasi-délit, ni en cas de manquement du mandataire professionnel à ses obligations (V. n° 104 à 116).

INDEX

 

Administrateur de biens, 110

Agence de voyages, 41, 51, 66

Agent immobilier, 3, 17, 21, 47, 51, 111, 113

Avocat, 2, 19, 27, 41, 66

Avoué, 47, 66

Banque, 106, 108

Commissaire-priseur, 24

Commission, 17, 47, 89 s., 95, 106

Concurrence déloyale, 25

Contrepartie, 23

Dépassement de pouvoir, 22 s., 81 s., 99 s., 106

Dirigeant social, 110

Faute, 34 s., 46 s., 51, 53, 66, 68, 71, 75, 83, 100, 105 s.

Force majeure, 52

Garagiste, 111

Huissier, 19 s.

Incapable, 2, 65

Intuitus personae, 5, 59

Mandataire

        gratuit, 5, 46, 48 s.

        incapable, 2, 65

        initial, 62 s., 70 s.

        professionnel, 6, 26, 46 s., 56, 111 s.

        substitué, 59 s., 69 s.

Notaire, 2, 24, 27, 47, 53, 111

Obligation

        de conseil, 26 s., 111 s.

        de diligence, 16 s., 36, 112

        d'information, 26 s., 111 s.

        de loyauté, 5, 22 s.

        de moyens, 36, 37, 43 s.

        de résultat, 35, 37, 39 s., 66

Prescription, 30 s.

Prête-nom, 91 s., 95 s.

Preuve

        Compétence du mandataire, 26

        Étendue du mandat, 10

        Faute du mandataire, 34 s.

Promesse de porte-fort, 84

Régimes matrimoniaux, 102

Réparation

        Étendue, 49, 55 s.

        Modalités, 103

Représentation, 5, 7, 79 s., 86 s., 107, 114

Responsabilité

        contractuelle, 7 s., 81 s., 114

        délictuelle, 7, 25, 98 s.

        Exonération, 51 s.

        Limitation, 51 s., 109

Société de bourse, 45

Sous-traitant, 106

Syndic, 20, 21, 107

Tiers

        contractant, 7, 81 s.

        Penitus extranei, 7, 110

Vices cachés, 111 s.

 

Introduction

1. – Définition - L'article 1984, alinéa 1er, du Code civil dispose : "Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne (le mandant)donne à une autre (le mandataire)le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom". Cette définition emporte plusieurs conséquences concernant la situation du mandataire.

2. – Libre choix du mandataire - Ainsi, le mandataire est contractuellement lié au mandant et librement choisi par lui, sauf dans les hypothèses où la loi impose de faire appel à un intermédiaire jouissant d'un monopole (avocats, notaires...). En particulier, le mandant peut recourir aux services d'un incapable  (C. civ., art. 1990). Cette option n'est pas sans conséquence concernant la responsabilité du mandataire. En effet, le mandant ne dispose alors d'aucun recours sur le terrain de la responsabilité contractuelle puisque la mise en jeu de cette responsabilité suppose la faculté de discernement du débiteur de l'obligation inexécutée ou mal exécutée. En revanche, la responsabilité du mandataire incapable peut être engagée au profit des tiers sur le terrain délictuel. C'est ce qui résulte de l'article 489-2 du Code civil concernant les incapables majeurs. C'est également ce qu'on peut induire de la solution adoptée par les tribunaux à propos des mineurs, dont la responsabilité délictuelle peut être engagée malgré leur absence de discernement ( Cass. ass. plén., 9 mai 1984 : D. 1984, jurispr. p. 525, concl. Cabannes, note F. Chabas;  JCP G 1984, II, 20256, note P. Jourdain ; ibid., II, 20291, rapp. Fédou ; RTD civ. 1984, p. 508, obs. J. Huet).

3. – Nature du mandat - Par ailleurs, le mandataire doit accomplir un ou plusieurs actes juridiques à la place et en faveur du mandant. En pratique, la mission du mandataire dépend de la nature du mandat. Ainsi, un mandat spécial limite l'étendue des obligations du mandataire à l'accomplissement d'actes juridiques déterminés. Un mandat général impose quant à lui au mandataire de réaliser tous les actes d'administration et de conservation que nécessitent l'ensemble des affaires du mandant  (C. civ., art. 1987 et 1988). Seul un mandat exprès autorise le mandataire à accomplir des actes de disposition ( C. civ., art. 1988, al. 2. – Cass. 1re civ., 12 mai 1993 : D. 1993, jurispr. p. 411, note Y. Chartier). En toute hypothèse, quelle que soit la nature du mandat, l'article 1989 du Code civil prive le mandataire de la possibilité d'agir "au-delà de ce qui est porté dans son mandat". Par exemple, sauf clause spécifique en ce sens, un mandat non exclusif de vente n'autorise pas un agent immobilier à représenter le vendeur pour conclure la vente ( Cass. 1re civ., 6 mars 1996 : D. 1997, jurispr. p. 223, note B. Amar-Layani;  JCP N 1996, II, 1665, note L. Leveneur). À cet égard, si le mandataire s'affranchit de l'autorité du mandant, sa responsabilité peut être engagée.

4. – Régime de la responsabilité - Plus généralement, le mandataire engage sa responsabilité, soit envers le mandant quand il ne respecte pas ses engagements contractuels, soit envers les tiers dans des circonstances diverses et selon des modalités variables. La responsabilité du mandataire obéit globalement aux principes généraux du droit de la responsabilité civile. Mais l'originalité du contrat de mandat a conduit le droit positif à prévoir certaines règles spécifiques. Les unes concernent la responsabilité propre à chaque catégorie de mandataires (syndics de copropriétés, gérants de portefeuille, agents généraux d'assurance ou courtiers, agents immobiliers, officiers ministériels, avocats...). Les autres sont applicables à tous les mandataires, quel que soit le cadre particulier de leur intervention. Elles figurent aux articles 1991 et suivants du Code civil. Le cadre de la présente étude étant limité à la responsabilité du mandataire envisagée de façon générale et non pas dans sa diversité, c'est aux principes issus des articles 1991 et suivants que seront consacrés l'essentiel des développements.

5. – À l'origine, trois idées directrices du contrat de mandat ont inspiré les rédacteurs du Code civil et les tribunaux. Elles ont abouti à la mise en place d'un régime de responsabilité favorable au mandataire.

D'une part, parce qu'il agit au nom du mandant et en sa faveur, le mandataire est son représentant. On est donc en présence d'un mécanisme juridique à trois personnes, d'où il résulte que les actes passés entre le représentant (mandataire) et le tiers (contractant), lient le représenté (mandant). De cette répartition des rôles, on induit l'existence d'un devoir de loyauté du mandataire à l'égard de son mandant. Cette obligation s'explique essentiellement par la relation de confiance qui se noue entre les deux intervenants. Le mandat est un contrat conclu intuitus personae. Dès lors, au cours de l'exécution de sa mission, le mandataire doit "oublier" ses propres intérêts au profit de ceux du mandant, à défaut de quoi il engage sa responsabilité contractuelle.

D'autre part, au dix-neuvième siècle, le mandat était généralement un acte gratuit. D'ailleurs, l'article 1986 du Code civil indique expressément que le mandat est présumé gratuit ("Le mandat est gratuit, s'il n'y a convention contraire"). À l'origine, ce contrat était donc davantage perçu comme un service d'ami que comme un contrat d'affaires (Sur ce thème, Ph. le Tourneau, De l'évolution du mandat : D. 1992, chron. p. 157). C'est la raison pour laquelle l'article 1992, alinéa 2, du Code civil donne des directives d'appréciation de la faute protectrices du mandataire bénévole.

Enfin, on a toujours admis l'autonomie du mandataire dans l'exécution de sa mission. Il est vrai qu'en 1804, le mandant faisait généralement appel à un mandataire parce que son éloignement physique l'empêchait d'accomplir lui-même un acte juridique. Dès lors, le mandataire devait disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour remplir ses engagements au mieux des intérêts du mandant. L'indépendance du mandataire est encore d'actualité. C'est ce qui explique sans doute qu'on ait toujours exigé de lui davantage que le simple respect des ordres donnés. Il doit jouer de sa liberté d'action pour faire diligence et permettre au mandant de tirer le meilleur parti possible de l'opération envisagée. S'il n'use pas correctement de son pouvoir d'initiative, il est contractuellement responsable envers son mandant.

6. – Aujourd'hui, le régime de la responsabilité des articles 1991 et suivants du Code civil s'est aggravé au détriment des mandataires. L'arrivée de mandataires professionnels rémunérés, et plus généralement le "renversement complet des perspectives" que cela a provoqué, ont favorisé cette évolution (Sur ce thème, V. Ph. le Tourneau, chron. préc. n° 5). Quand le mandataire est un professionnel choisi en considération de ses compétences, il est bien légitime d'appliquer un système d'obligations et de responsabilité moins protecteur de ses intérêts que lorsqu'il est bénévole et désigné en raison des liens d'amitié ou de confiance qu'il entretient avec le mandant. On lui pardonne moins ses erreurs. Les tribunaux apprécient plus sévèrement sa faute. Et on met à sa charge une nouvelle obligation qui pèse habituellement sur les contractants professionnels : l'obligation d'information et de conseil sur les modalités et l'opportunité de l'acte juridique envisagé.

7. – L'essentiel des principes évoqués jusqu'ici intéressent les possibilités de mettre en jeu la responsabilité du mandataire envers le mandant. Mais il ne faut pas oublier que l'objectif du contrat de mandat consiste dans l'accomplissement d'un acte juridique auprès d'un tiers désigné généralement sous le terme de tiers cocontractant pour le différencier des tiers étrangers à l'opération. Partant, il convient de ne pas négliger les rapports du mandataire avec les tiers, en particulier les tiers contractants.

Certes le mécanisme de la représentation implique normalement l'effacement du mandataire à l'issue de la conclusion de l'acte juridique. Autrement dit, l'acte juridique est censé produire des effets uniquement entre le mandant et le tiers contractant. Par conséquent, le mandant devrait seul répondre des agissements de son mandataire envers le tiers contractant. Pourtant, le mandataire ne disparaît pas toujours au profit du mandant. Les tribunaux retiennent alors sa responsabilité contractuelle envers le tiers contractant. En outre, la responsabilité du mandataire peut être engagée sur le terrain délictuel, envers un tiers contractant ou un tiers penitus extranei, spécialement quand il est l'auteur d'un délit ou d'un quasi-délit.

8. – Autrement dit, c'est sous deux angles différents que doit être envisagée la responsabilité du mandataire : d'une part envers le mandant (I), et d'autre part envers les tiers au contrat de mandat (II).

I. –  Responsabilité du mandataire envers le mandant

9. – Responsabilité contractuelle de principe - La responsabilité du mandataire à l'égard du mandant est, sauf exception (Sur ce thème, V.  infra n° 25), de nature contractuelle. Elle est par conséquent régie par les articles 1991 et suivants du Code civil, et en cas de silence des textes, par les principes généraux de la responsabilité civile contractuelle tels qu'ils résultent des articles 1147 et suivants du Code civil.

10. – Elle ne peut être engagée que dans la mesure où l'existence et l'étendue du contrat de mandat ne font aucun doute. Sur ce point, la charge de la preuve pèse, conformément aux règles générales de la preuve des conventions, sur le demandeur ( C. civ., art. 1315. – Cass. 1re civ., 22 mai 1959 : D. 1959, jurispr. p. 490. – 19 déc. 1995 : Bull. civ. I, n° 473).

11. – Cela étant, les conditions et le régime de la responsabilité varient quelque peu selon qu'on est en présence d'un mandat unique (A) ou d'un sous-mandat (B).

A. –  Responsabilité du mandataire et mandat unique

12. – La plupart du temps, l'intuitus personae qui domine le mandat, conduit le mandataire à accomplir personnellement les actes juridiques énumérés dans le contrat.

13. – Lorsque le mandataire ne remplit pas correctement ses engagements, sa responsabilité peut être engagée. Encore faut-il que certaines conditions, spécifiques à la situation du mandataire, soient réunies (1), et que soit rigoureusement observé le régime de responsabilité prévu par les articles 1991 et suivants du Code civil (2).

1° Conditions de la responsabilité

14. – Les conditions de la responsabilité du mandataire sont énoncées aux articles 1991 et 1992, alinéa 1er, du Code civil. Du premier de ces textes, on induit que le mandataire est responsable des préjudices subis par le mandant en raison de l'inexécution totale ou partielle de ses obligations. Du second, il résulte que le mandataire est responsable du dol et des fautes commises dans sa gestion.

15. – Reste que le législateur ne donne aucune précision relative à la nature des obligations du mandataire. C'est donc aux tribunaux qu'est revenue la tâche de déterminer les devoirs du mandataire. De façon générale, les juridictions exigent du mandataire qu'il respecte une obligation de diligence (a), une obligation de loyauté (b), et une obligation d'information et de conseil (c). À défaut de remplir ces divers engagements, il est responsable à l'égard du mandant.

a) Manquement à l'obligation de diligence

16. – Le mécanisme de la représentation impose au mandataire d'exécuter la mission qui lui a été confiée par le mandant, non seulement en respectant les instructions qui lui ont été données, mais également en agissant avec diligence. Les auteurs les plus éminents affirment la distinction théorique des deux obligations (Ph. Pétel, Les obligations du mandataire : Litec 1988, n° 138. – B. Starck, note ss  Cass. soc., 6 févr. 1958 :  JCP G 1959, II, 11115. – A. Bénabent, Droit civil, Les contrats spéciaux civils et commerciaux : Montchrestien, 3e éd. 1997, n° 649-1 s.). Pourtant, lorsque le litige intéresse la responsabilité du mandataire, les tribunaux assimilent souvent les deux engagements (En ce sens, F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux : Précis Dalloz, 4e éd. 1998, n° 645).

17. – Contenu - Quoi qu'il en soit, quand l'ordre ou le pouvoir précise expressément ce qui est à faire, "celui qui l'accepte et qui l'exécute doit s'en tenir exactement à ce qui est prescrit" (Domat, Lois civiles, I, I, XV, III. – Dans le même sens, V. Aubry et Rau, Cours de droit civil, t. VI par Bartin, 5e éd., n° 412. – Ph. Pétel, Les obligations du mandataire, op. cit.,n° 14 s.). L'article 1989 du Code civil est, à cet égard, largement évocateur ("Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat (...)"). Ainsi, on a déjà observé que le mandat non exclusif de vendre n'autorise pas, sauf clause expresse en ce sens, un agent immobilier à représenter le vendeur pour conclure une vente ( Cass. 1re civ., 6 mars 1996  : préc. n° 3). Par ailleurs, le mandataire ne doit pas vendre en deçà du prix minimum indiqué dans le contrat le liant à son client (En ce sens, à propos d'un commissaire-priseur,  Cass. com., 27 avr. 1993 : Bull. civ. IV, n° 157 ; RTD civ. 1994, p. 128, obs. P.-Y. Gautier). De même, le mandataire ne peut pas substituer la vente des actions d'une société exploitant un fonds de commerce à la vente du fonds de commerce prévue par le contrat de mandat. Peu importe à cet égard que la vente réalisée porte sur la totalité des actions de la société propriétaire du fonds ( Cass. 1re civ., 6 déc. 1994 : Bull. civ. I, n° 365). Le mandataire ne peut pas non plus changer le moyen de paiement choisi par son mandant ( Cass. com., 5 oct. 1993 : Bull. civ. IV, n° 325). Est encore fautif le fait, pour un commissionnaire de transport, de ne requérir à l'atterrissage qu'un colis sur les deux qu'il devait recevoir ( Cass. com., 22 oct. 1996 : Bull. civ. IV, n° 258). Enfin, l'avocat qui abandonne un appel n'exécute pas le mandat qui lui a été confié  (Cass. 1re civ., 10 juill. 1996 : Juris-Data n° 003120).

18. – En outre, au titre de son obligation de diligence, le mandataire doit adopter plusieurs types de comportements, variables selon le contexte.

19. – Célérité - Ainsi, le mandataire doit agir le plus vite possible, en particulier dans l'hypothèse où un retard est susceptible d'être préjudiciable au mandant. Par exemple, un avocat ne doit pas laisser s'écouler le délai de prescription d'une action en justice ( Cass. 1re civ., 7 juill. 1993 :  Resp. civ. et assur. 1993, comm. n° 365. – 18 juin 1996 :  Juris-Data n° 002684). Il ne doit pas non plus être à l'origine d'une péremption d'instance ( Cass. 1re civ., 20 janv. 1993 : Bull. civ. I, n° 23. – 2 avr. 1997 : D. 1997, inf. rap. p. 101). De même, un huissier est responsable envers son client quand il ne vérifie pas que l'assignation en validité d'une saisie-arrêt qu'il était chargé de délivrer, est bien parvenue à son destinataire. En l'occurrence, elle n'était jamais arrivée ( Cass. 1re civ., 3 déc. 1996 : Bull. civ. I, n° 435 ; D. 1997, inf. rap. p. 12). Il est également responsable quand l'assignation a été transmise hors délai ( Cass. 1re civ., 18 févr. 1997 : Bull. civ. I, n° 65 ; D. 1997, inf. rap. p. 119).

20. – Dynamisme - Par ailleurs, la diligence suppose que le mandataire soit toujours dynamique, et persévérant, alors même que des obstacles se lèvent et viennent perturber l'accomplissement de sa mission. Ainsi, le mandataire doit accomplir les actes juridiques prévus au contrat malgré le décès du mandant, dès lors qu'il y a "péril en la demeure"  (C. civ., art. 1991, al. 2). Plus concrètement, un huissier de justice qui a rencontré des difficultés sérieuses au cours d'une procédure de saisie-exécution, est responsable pour ne pas avoir saisi le juge des référés ou procédé à des investigations supplémentaires ( Cass. com., 1er févr. 1994 : D. 1994, inf. rap. p. 78). De même, un syndic de copropriété peut se voir reprocher son inaction devant les violations du règlement de copropriété par certains copropriétaires ( Cass. 3e civ., 8 mars 1995 : Bull. civ. III, n° 75).

21. – Prudence - Enfin, la diligence comprend une obligation de prudence. Par exemple, ne respecte pas son obligation de diligence le mandataire qui envoie un chèque important par voie postale ( Cass. 1re civ., 9 mai 1994 : Bull. civ. I, n° 164). Manque de même à son obligation de prudence le conseil juridique qui, ayant reçu mandat pour effectuer un paiement en urgence, envoie par la poste, avant son départ en vacances, un chèque au créancier de son mandant, sans se préoccuper de l'arrivée du pli à destination ni d'organiser un nouvel acheminement éventuel en cas de retour de ce pli ( Cass. 1re civ., 2 oct. 1984 : Bull. civ. I, n° 243 ; RTD civ. 1986, p. 134, obs. J. Huet). Est tout aussi négligent, le syndic de copropriété qui n'entretient pas et ne répare pas les parties communes ( CA Paris, 14 nov. 1979 : D. 1981, inf. rap. p. 103), l'huissier qui ne procède pas à un constat des lieux suffisant ( Cass. 1re civ., 22 nov. 1988 : D. 1988, inf. rap. p. 293), et l'agent immobilier qui se livre à un inventaire estimatif précipité, sans prendre toutes les précautions nécessaires ( Cass. 1re civ., 28 nov. 1995 :  Resp. civ. et assur. 1996, comm. n° 93).

b) Manquement à l'obligation de loyauté

22. – La confiance domine les rapports du mandant et du mandataire. Elle impose en particulier au second d'exécuter systématiquement sa mission dans l'intérêt de son cocontractant. Autrement dit, le mandataire qui utiliserait les pouvoirs qui lui ont été confiés dans son propre intérêt ou au profit d'un tiers au contrat de mandat, se livrerait à un détournement de pouvoir (Sur ce thème, V. Ph. Pétel, Les obligations du mandataire, op. cit.,n° 300 s.).

23. – Prohibition de la contrepartie - Cette idée générale trouve une illustration particulièrement topique dans le mécanisme de la contrepartie. En l'occurrence, le mandataire chargé de conclure un contrat s'attribue lui-même la qualité de cocontractant ou l'attribue à un complice, pour son bénéfice personnel ou au profit d'un tiers.

Cette opération est prohibée, quelle que soit sa configuration, à moins que le mandant ait donné son accord. Si le législateur ne vise expressément que le cas du mandat de vendre un bien aux enchères  (C. civ., art. 1596), les tribunaux étendent le champ de l'interdiction à toutes les ventes amiables ( Cass. 1re civ., 2 oct. 1980 : Bull. civ. I, n° 241. –  CA Paris, 12 nov. 1964 : D. 1965, jurispr. p. 415). La solution vaut même quand le mandataire agit par personne interposée ( Cass. 1re civ., 17 juin 1986 : Bull. civ. I, n° 170). Par ailleurs, peu importe que le prix de vente fixé par le mandant ait été respecté ( Cass. 1re civ., 27 janv. 1987 : Bull. civ. I, n° 32). L'interdiction intéresse même des hypothèses dans lesquelles le bien n'appartient pas au mandant. Par exemple, le mandataire chargé de recouvrir une créance et procédant, pour ce faire, à la vente judiciaire d'un bien pour le compte du créancier saisissant, ne peut se rendre adjudicataire de l'immeuble saisi ( Cass. 1re civ., 19 déc. 1995 : Bull. civ. I, n° 474;  Contrats, conc., consom. 1996, comm. n° 57, obs. L. Leveneur).

La sanction applicable à titre principal est la nullité de l'opération ( Cass. 1re civ., 2 oct. 1980  : préc.). Mais la mise en jeu de la responsabilité du mandataire est également envisageable, dès lors que le préjudice subi par le mandant et son lien de causalité avec les agissements du mandataire sont établis ( Cass. 1re civ., 27 janv. 1987  : préc.). Peu importe alors que l'action en nullité de l'opération ne soit pas recevable. Si les conditions requises par les articles 1991 et 1992 du Code civil sont réunies, la responsabilité du mandataire peut être engagée ( Cass. 1re civ., 29 nov. 1988 : Bull. civ. I, n° 341).

24. – Dol - Le manquement d'un mandataire à son obligation de loyauté peut prendre d'autres formes que la contrepartie. Par exemple, c'est sans aucun doute au titre d'une violation de son devoir de loyauté que la responsabilité d'un commissaire-priseur qui a présenté une oeuvre comme authentique alors qu'elle ne l'était pas, a été engagée ( Cass. 1re civ., 23 févr. 1970 : D. 1970, jurispr. p. 604, note J.-M. Etesse). De même, le manquement à l'obligation de loyauté justifie la responsabilité d'un notaire qui a donné l'authenticité à une convention qu'il savait illicite pour avoir été conclue en violation de l'article 1596 du Code civil ( Cass. 1re civ., 10 janv. 1995 : Bull. civ. I, n° 24 ; RD imm. 1996, p. 245, obs. D. Tomasin).

25. – Concurrence déloyale - À titre exceptionnel, la responsabilité du mandataire peut être engagée au titre de la concurrence déloyale, sur le terrain délictuel. Par exemple, dans un mandat d'intérêt commun, le mandataire ne peut accepter la représentation d'un nouveau mandant, que si les produits qu'il propose ne sont pas concurrents de ceux du premier mandant, sauf accord de ce dernier ( Cass. com., 16 mars 1993 : Bull. civ. IV, n° 109).

c) Manquement à l'obligation d'information et de conseil

26. – Depuis quelques années, les tribunaux font fréquemment peser sur le mandataire une obligation d'information et de conseil. Cette évolution est directement liée à l'arrivée des mandataires professionnels. Certes les mandataires non professionnels n'échappent pas toujours au devoir de conseil. Mais leur compétence pour accomplir l'acte juridique ordonné par le mandant n'est pas présumée. Dès lors, c'est au mandant qui cherche à obtenir réparation de ses préjudices en invoquant un manquement à l'obligation d'information, de faire la preuve de la compétence de son mandataire.

27. – Contenu - Quoi qu'il en soit, la compétence des mandataires les oblige à informer et conseiller le mandant sur les divers problèmes posés par l'acte juridique envisagée.

Par exemple, en sa qualité de rédacteur d'un acte de prêt, un avocat manque à son obligation de conseil s'il ne vérifie pas l'état des inscriptions et la valeur de la garantie stipulée au profit du prêteur ( Cass. 1re civ., 5 févr. 1991 : Bull. civ. I, n° 46). Il en va de même de l'avocat qui omet d'informer son client sur les moyens de défense dont il dispose, et ce quelles qu'aient été les instructions reçues par lui ( Cass. 1re civ., 9 mai 1996 : Bull. civ. I, n° 191). Plus généralement, la première chambre civile a récemment rappelé que "les compétences personnelles du client ne dispensent pas l'avocat, rédacteur d'un acte, de son devoir de conseil" ( Cass. 1re civ., 7 juill. 1998 :  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 346).

Manque également à son obligation de conseil, le rédacteur d'acte qui n'attire pas l'attention de son client sur l'absence de garanties de remboursement ( Cass. 1re civ., 14 janv. 1997 : D. affaires 1997, p. 309).

De même, un conseiller en gestion de patrimoine qui engage son client à acquérir deux lots dans un lotissement sur un terrain situé aux États-Unis, sans se rendre sur les lieux pour vérifier la qualité du produit vendu, se borne à une appréciation subjective des divers éléments de fait de l'opération envisagée, et manque ainsi à son obligation d'information à l'égard du mandant. Ce dernier doit obtenir réparation de son préjudice consistant dans le fait d'avoir acquis des terrains mal placés et surévalués ( Cass. 1re civ., 5 nov. 1996 : Resp. civ. et assur. 1997,  comm. n° 24).

C'est encore le manquement au devoir de conseil qui a été invoqué pour engager la responsabilité d'un notaire, dans une hypothèse où un appartement dépendant d'un immeuble en copropriété avait été aménagé par le vendeur sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. Les acquéreurs ayant été condamnés à remettre les lieux dans leur état antérieur, ils ont assigné leur notaire en réparation du préjudice subi. La Cour de cassation leur a donné satisfaction, au motif que le notaire aurait dû constater l'existence d'une autorisation de l'assemblée générale en vue des aménagements effectués par le vendeur ( Cass. 1re civ., 13 nov. 1997 :  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 56).

28. – Si la mise en jeu de la responsabilité du mandataire suppose qu'il manque à une des trois obligations précitées, il faut aussi que soient observés plusieurs principes qui constituent le régime de la responsabilité du mandataire.

 

a) Prescription de l'action en responsabilité

30. – Prescription - L'action en responsabilité du mandataire se prescrit selon les règles du droit commun de la responsabilité. Autrement dit, le délai pour agir est de trente ans en matière civile  (C. civ., art. 2262) et de dix ans en matière commerciale  (C. com., art. 189 bis).

31. – Point de départ - Ce délai court à compter du jour où le mandant a eu connaissance de la faute du mandataire et du préjudice qui en résulte ( Cass. 1re civ., 13 nov. 1991 : Bull. civ. I, n° 307). Autrement dit, c'est la reddition des comptes qui constitue, en pratique, le point de départ du délai. En effet, c'est seulement à compter de ce moment que le mandant est en mesure de vérifier que son représentant a correctement rempli sa mission (En ce sens, A. Bénabent, op. cit.,n° 660).

32. – Concurrence avec d'autres délais de prescription - En toute hypothèse, les délais de droit commun sont applicables, quand bien même l'opération accomplie par le mandataire en violation de ses obligations se prescrit par un délai plus bref. Par exemple, l'article 1596 du Code civil sanctionne par la nullité relative le fait, pour le mandataire, de se porter contrepartiste (Sur ce thème, V.  supra n° 23 ). L'action en nullité de l'opération est prescrite par cinq ans, conformément à l'article 1304, alinéa 1er, du Code civil. Pourtant, l'action en responsabilité du mandataire peut être engagée dans un délai de trente ans à compter de la découverte du préjudice par le mandant ( Cass. 1re civ., 29 nov. 1988 : Bull. civ. I, n° 341).

33. – Néanmoins, un texte spécial peut diminuer les délais de prescription de droit commun. C'est le cas en matière de construction, où la prescription de l'action en responsabilité est décennale ou biennale selon le siège et la nature du dommage  (C. civ., art. 1792 et s.). L'action est alors engagée contre "toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage"  (C. civ., art. 1792-1 3°).

b) Charge de la preuve

34. – S'il ne fait aucun doute que le mandataire est responsable à l'égard de son mandant dès lors qu'il ne remplit pas correctement sa mission, la question de savoir sur qui pèse la charge de la preuve de la faute du mandataire laisse davantage place à la discussion.

35. – Évolution jurisprudentielle - Obligation de résultat. – À défaut d'indication donnée par le législateur, les tribunaux ont, dans un premier temps, décidé que "hors le cas de force majeure, le mandataire était présumé en faute s'il n'exécutait pas ses obligations" ( Cass. civ., 21 juin 1893 : S. 1893, 1, p. 339. –  Cass. soc., 30 nov. 1945 : D. 1946, jurispr. p. 155. –  Cass. 1re civ., 1er juin 1954 : D. 1954, jurispr. p. 611. – 19 févr. 1963 : Bull. civ. I, n° 110). Autrement dit, le mandataire était tenu d'une véritable obligation de résultat. La solution s'inspirait sans aucun doute des dispositions de l'article 1991, alinéa 1er, du Code civil, selon lesquelles le mandataire répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de l'inexécution du contrat de mandat.

36. – Obligation de moyens. – Par la suite, les tribunaux ont semblé consacrer l'existence d'une obligation de moyens, en exigeant du mandant qui cherchait à mettre en jeu la responsabilité de son mandataire, la preuve d'une faute de ce dernier. Par exemple, la Cour de cassation a considéré qu'un mandataire salarié était "tenu à une obligation générale de prudence et de diligence" ( Cass. 1re civ., 24 juin 1964 : Gaz. Pal. 1964, 2, p. 260). Priorité était alors donnée à l'article 1992 du Code civil qui précise, dans son alinéa 1er, que "le mandataire répond non seulement de son dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion".

37. – Inexécution totale et mauvaise exécution. – Plus récemment, la Cour de cassation a proposé une distinction entre les hypothèses d'inexécution totale et de mauvaise exécution de ses obligations par le mandataire. Désormais, "si le mandataire est, sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l'inexécution de son mandat, cette présomption ne saurait être étendue à l'hypothèse d'une mauvaise exécution de ce dernier" ( Cass. 1re civ., 18 janv. 1989 : Bull. civ. I, n° 26 ; D. 1989, jurispr. p. 302, note Ch. Larroumet ; RTD civ. 1989, p. 558, obs. P. Jourdain ; ibid., p. 572, obs. Ph. Rémy ; RTD com. 1989, p. 719, obs. B. Bouloc). Autrement dit, le mandataire serait tenu, soit d'une obligation de résultat en cas d'inexécution, soit d'une obligation de moyens, en cas de mauvaise exécution. Dans le premier cas de figure, le mandataire ne pourrait s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant le cas fortuit. Contrairement à la formule utilisée par la Cour de cassation, on n'est donc pas en présence d'une "présomption de faute", laquelle suppose que le débiteur de l'obligation inexécutée puisse s'exonérer en établissant qu'il n'a pas commis de faute, mais en présence d'une véritable présomption de responsabilité. Dans le second cas de figure, c'est au mandant que reviendrait la tâche de prouver la faute du mandataire.

La solution répond à une certaine logique. Selon M. Larroumet, "l'aptitude à la charge de la preuve" varie selon que le mandant invoque une inexécution ou une mauvaise exécution des obligations du mandataire. En cas de mauvaise exécution, le mandant est "le mieux placé" pour établir que le résultat obtenu n'est pas à la hauteur de ce qu'il aurait dû être si le mandataire s'était montré suffisamment diligent. En revanche, en cas d'inexécution, "il n'y a pas de résultat et (...) toute comparaison est impossible (...) entre le contenu de l'obligation et ce que le mandataire a fait (...) il serait donc absurde de mettre à la charge du mandant la preuve d'une faute" (Ch. Larroumet, note préc. ss  Cass. 1re civ., 18 janv. 1989).

38. – Cela étant, délicate à mettre en oeuvre, la distinction jurisprudentielle a fait l'objet de divers aménagements. À l'heure actuelle, on distingue deux catégories de situations : celles dans lesquelles les tribunaux retiennent l'existence d'une présomption de responsabilité du mandataire (1) et celles dans lesquelles les tribunaux écartent cette présomption (2).

1) Existence d'une présomption

39. – Inexécution totale - On l'a dit, en cas d'inexécution totale, l'accent est mis sur l'obligation de résultat du mandataire. Une présomption de responsabilité pèse sur lui. Il ne peut s'exonérer qu'en établissant l'existence d'un cas fortuit ( Cass. 1re civ., 18 janv. 1989  : préc. n° 37). La rigueur de la solution s'explique à la fois par l'incapacité du mandant à faire la preuve d'une faute du mandataire (Sur ce thème, V.  supra n° 37) et par l'ampleur des manquements du mandataire.

40. – En dehors de ce contexte particulier, les tribunaux ont envisagé deux autres hypothèses dans lesquelles le mandataire n'échappe aux conséquences de sa responsabilité qu'en prouvant une cause étrangère.

41. – Cas particuliers - Tout d'abord, il arrive que le résultat recherché par le mandataire apparaisse suffisamment aisé à obtenir pour exclure tout aléa concernant le succès de sa mission. Le résultat promis dans le cadre du contrat de mandat devient alors "l'objet même de l'obligation, de sorte que l'absence du résultat permet de présumer la responsabilité du mandataire : l'obligation est de résultat" (Ph. le Tourneau et L. Cadiet : Droit de la responsabilité civile : Dalloz action 1998, n° 1870). La solution vaut en présence d'opérations précisément décrites dans le contrat de mandat, et d'une technicité telle que l'existence d'un aléa dans la réussite du mandataire n'est pas envisageable. On fait alors application des critères habituels de distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. Par exemple, le mandataire chargé d'aller signer au nom du mandant un acte de réitération en la forme authentique d'une vente d'ores et déjà conclue par acte sous seings privés, est tenu d'une obligation de résultat. De même, l'agence de voyages qui se charge de fournir au voyageur un titre de transport, contracte une obligation de résultat consistant à assurer l'efficacité du titre délivré ( Cass. 1re civ., 31 mai 1978 : Bull. civ. I, n° 210. –  CA Paris, 12 juin 1997 : D. 1998, jurispr. p. 252, note Y. Dagorne-Labbé). Par ailleurs, dans un cas de figure où un mandat avait été donné par l'expéditeur d'une machine à un transporteur, ce dernier devait, d'une part délivrer la machine objet du transport contre remise d'une lettre de change domiciliée et acceptée, et d'autre part retourner cette lettre de change à l'expéditeur. Or l'expéditeur n'avait pas reçu l'effet de commerce que le transporteur prétendait lui avoir adressé par voie postale. Après avoir constaté l'inexécution, par le transporteur, de son obligation de résultat consistant dans la remise effective de la lettre de change à son mandant, la Cour de cassation a décidé d'engager la responsabilité du mandataire ( Cass. com., 14 janv. 1997 : Bull. civ. IV, n° 17). Plus récemment, la première Chambre civile a considéré que c'est à l'avocat de démontrer qu'il a correctement exécuté son obligation spéciale de conseil et d'information concernant l'opportunité du procès ( Cass. 1re civ., 29 avr. 1997 :  Resp. civ. et assur. 1997, chron. n° 19, L'opportunité du procès et le devoir de conseil de l'avocat, H. Groutel).

42. – Ensuite, les parties peuvent très bien décider d'aménager le contrat de mandat en intégrant une clause par laquelle le mandataire accepte expressément d'être tenu d'une obligation de résultat. Peu importe alors la nature de la mission qui lui a été confiée, l'existence ou l'absence d'aléa dans la recherche du résultat escompté. Une présomption de responsabilité pèse sur lui. Ainsi, un agent commercial peut s'astreindre volontairement à respecter des quotas. Il est conventionnellement tenu d'une obligation de résultat faisant peser sur lui une présomption de responsabilité ( Cass. com., 13 nov. 1990 : Bull. civ. IV, n° 269).

2) Absence de présomption

43. – Mauvaise exécution - En dehors des hypothèses précédemment évoquées, la charge de la preuve de la faute du mandataire incombe au mandant. Autrement dit, le mandataire n'est tenu que d'une obligation de moyens.

44. – La solution s'impose en cas de mauvaise exécution du mandat, dans la mesure où le mandant dispose alors de données suffisantes pour apprécier la défaillance de son représentant (Sur ce thème, V.  supra n° 37).

45. – Aléas du mandat - Sur un plan plus général, la présence d'aléas au cours de l'exécution de la mission du mandataire justifie "l'allégement" de ses obligations à l'égard du mandant. Des facteurs extérieurs à son intervention peuvent l'empêcher d'obtenir les résultats escomptés. C'est la raison pour laquelle aucune présomption ne pèse sur lui. Par exemple, l'obligation contractée par une société de bourse de rechercher un acquéreur pour une importante quantité de titres à diffusion restreinte et à risques n'est, en raison du caractère aléatoire de cette recherche, qu'une obligation de moyens. C'est donc au vendeur qui cherche à engager la responsabilité du mandataire, de prouver la faute de ce dernier ( Cass. com., 7 oct. 1997 :  Contrats, conc., consom. 1998, comm. n° 3).

c) Appréciation de la faute

46. – Appréciation in abstracto. – L'appréciation de la faute du mandataire se fait toujours in abstracto. Cela étant, le modèle de référence varie selon que le mandat est à titre onéreux ou à titre gratuit. En effet, à l'instar de la charge de la preuve, l'appréciation de la faute donne lieu à une distinction, suggérée par le législateur au profit du mandataire bénévole. L'article 1992, alinéa 2, du Code civil dispose : "(...) la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire". Ce sont les règles protectrices de l'équilibre général du contrat qui imposent de tempérer l'appréciation de la faute de celui qui ne reçoit aucune rémunération en contrepartie des services rendus. La solution n'est pas spécifique au contrat de mandat. Elle est en particulier retenue dans le cadre du contrat de dépôt, même si elle n'est pas parfaitement identique : l'indulgence à l'égard du dépositaire bénévole se manifeste, non par une appréciation in abstracto aménagée, mais par une appréciation in concreto de sa faute, laquelle tient compte uniquement de ses habitudes personnelles  (C. civ., art. 1927).

47. – Mandat à titre onéreux - Dans le mandat à titre onéreux, la faute du mandataire est appréciée selon le modèle de référence du "bon professionnel". Est par exemple fautif le commissionnaire de douane qui "n'a pas apporté à son mandat le soin qu'impliquait sa spécialisation professionnelle" ( Cass. com., 4 oct. 1988 : Bull. civ. IV, n° 259). De même, commet une faute l'avoué, mandataire professionnel salarié tenu de prendre toutes précautions utiles pour garantir les intérêts de ses clients, qui fait intervenir ceux-ci dans une instance en tant qu'héritiers, sans attirer leur attention sur les effets possibles d'une telle prise de qualité, effectuée sans aucune réserve ( Cass. 1re civ., 18 janv. 1989 : Bull. civ. IV, n° 17). Est encore fautif le mandataire qui "brade" le bien que son mandant lui a demandé de vendre, au quart de sa valeur sur le marché ( CA Caen, 28 févr. 1995 : Gaz. Pal. 1995, 2, somm. p. 598).

La rigueur observée dans l'appréciation de la faute du mandataire rémunéré, ne conduit pas systématiquement à la mise en jeu de sa responsabilité. Ainsi, l'agent immobilier mandaté par un vendeur, qui a vérifié la constructibilité du terrain vendu comme terrain à bâtir sur la base de documents cadastraux, ne peut se voir reprocher le fait de ne pas avoir mesuré lui-même la superficie du terrain en réalité inconstructible ( Cass. 1re civ., 3 janv. 1985 : RTD civ. 1986, p. 147, obs. Ph. Rémy). De même, le transitaire agissant en tant que mandataire qui, ayant prévenu son mandant de l'existence d'une taxation supplémentaire sur les marchandises qu'il devait lui livrer, n'a reçu de ce dernier aucune information lui permettant de contester cette taxation, ne commet pas de faute dans l'exécution de son mandat, en payant les droits supplémentaires réclamés par la Douane. Il est donc bien fondé à obtenir du mandant remboursement des sommes qu'il a avancées ( Cass. com., 17 mars 1987 : Bull. civ. I, n° 74). Par ailleurs, il a été jugé que le mandat de vendre donné à un notaire ne l'empêchait pas d'accepter d'un candidat acquéreur certaines conditions, dès lors que celles-ci ne remettaient en jeu ni la chose, ni le prix ( Cass. 1re civ., 9 déc. 1997 :  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 99).

48. – Mandat à titre gratuit - Dans le mandat à titre gratuit, l'appréciation de la faute du mandataire est plus modérée, conformément aux directives de l'article 1992, alinéa 2, du Code civil.

Certes les tribunaux ne subordonnent pas la mise en jeu de la responsabilité au constat d'une faute lourde du mandataire. Ainsi, est fautif le mandataire bénévole chargé de placer des fonds qui a fait preuve de la plus grande légèreté en consentant un prêt à une personne, alors qu'il ne pouvait ignorer les rumeurs concernant sa situation "embarrassée" et sa prochaine mise en état de règlement judiciaire, pas plus qu'il ne pouvait méconnaître ses tentatives en vue de se procurer des fonds pour faire face à des dettes "criardes" ( Cass. 1re civ., 5 févr. 1975 : D. 1975, jurispr. p. 410, obs. R. R.).

Mais le modèle de référence utilisé dans le cadre de l'appréciation in abstracto est spécifique à la situation du mandataire bénévole. Ainsi, la personne qui accepte gratuitement de procéder à l'encaissement d'un chèque n'est pas responsable du vol de ce chèque, au motif qu'elle "avait exécuté l'obligation mise à sa charge par un mandat gratuit dont l'objet ne s'étendait pas à une surveillance des capitaux" ( Cass. 1re civ., 2 avr. 1962 : Bull. civ. I, n° 190).

49. – Cela étant, le traitement préférentiel réservé au mandataire bénévole "ne concerne que l'appréciation de la faute et non l'étendue de la réparation" ( Cass. 1re civ., 4 janv. 1980 : Bull. civ. I, n° 11 ; RTD civ. 1981, p. 406, obs. G. Cornu). Autrement dit, si le respect de l'équilibre contractuel justifie que les tribunaux ne qualifient pas de fautes certains actes accomplis par le mandataire bénévole, il ne doit pas conduire, selon la Cour de cassation, à réduire le montant des dommages-intérêts dus à la victime. Cette solution a été critiquée en doctrine. On a en particulier observé que la généralité des dispositions de l'article 1992, alinéa 2, du Code civil visant l'allégement de la "responsabilité" du mandataire bénévole, permettait d'admettre une conception plus étendue du pouvoir modérateur du juge se situant à deux niveaux : celui du principe mais aussi celui de l'étendue de l'obligation de réparation (Sur ce thème, V. G. Cornu, obs. préc. ss  Cass. 1re civ., 4 janv. 1980). Pourtant, à l'heure actuelle, l'évaluation du préjudice n'est toujours pas concernée par le régime de faveur réservé au mandataire gratuit.

d) Exclusion de la responsabilité

50. – Quatre circonstances permettent au mandataire d'échapper à la responsabilité prévue aux articles 1991 et 1992 du Code civil.

51. – Limitation contractuelle - Premièrement, les parties insèrent souvent, dans les contrats de mandat professionnels, une clause limitative de responsabilité ou même une clause d'irresponsabilité du mandataire.

En principe, ces clauses libèrent le mandataire, à moins qu'il ait commis une faute lourde. La faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol, et manifestant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de l'obligation contractuelle qu'il avait acceptée ( Cass. com., 3 avr. 1990 : Bull. civ. IV, n° 108). Par exemple, commet une faute lourde exclusive de toute limitation contractuelle de responsabilité, le représentant local d'une agence de voyages lié à son client par un contrat de mandat salarié, qui a engagé pour "une excursion en montagne présentant par cela même des risques particuliers", un chauffeur "notoirement insolvable non assuré contre les risques d'accidents", alors que, dans la même ville, nombre de chauffeurs transportant des touristes étaient assurés ( Cass. 1re civ., 5 janv. 1961 : D. 1961, jurispr. p. 340). De même, dans l'hypothèse où un intermédiaire a vendu un débit de boissons sans s'assurer de la licence de cet établissement, la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir écarté la clause d'irresponsabilité de l'intermédiaire, au motif qu'elle constituait "une précaution de style assez révélatrice de la connaissance qu'il avait de sa propre carence et de sa mauvaise foi" ( Cass. com., 21 mars 1977 : Bull. civ. IV, n° 89).

Mais les clauses limitatives de responsabilité sont parfois prohibées  (C. consom., art. L. 132-1). Elles sont également, par application du droit commun des obligations, sans effet sur l'obligation de conseil du mandataire, et ce quelle que soit la nature du mandat.

52. – Force majeure - Deuxièmement, la force majeure exonère le mandataire de sa responsabilité. La solution est depuis longtemps admise par la Cour de cassation ( Cass. civ., 3 févr. 1909 : DP 1911, 1, p. 413). En l'espèce, un mandataire, pour établir sa libération à l'égard de son mandant de l'obligation de rendre compte d'une somme d'argent qu'il a touché pour le compte de celui-ci, avait offert de prouver qu'il avait été victime d'un vol. La jurisprudence est constante depuis ( Cass. 1re civ., 18 janv. 1989  : préc. n° 39).

53. – Fait du mandant - Troisièmement, le fait du mandant peut limiter l'étendue de la responsabilité du mandataire. Il faut alors établir qu'il a, par son comportement, empêché le mandataire de remplir correctement sa mission. Par exemple, la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir écarté un recours en garantie dirigé contre un notaire par son client coupable d'un dol, tout en condamnant l'officier public à une garantie partielle en raison de la faute commise par lui ( Cass. 1re civ., 3 mars 1998 :  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 198. – Dans le même sens, V.  Cass. com., 18 mai 1978 : D. 1979, inf. rap. p. 140).

54. – Ratification - Quatrièmement, la ratification des actes du mandataire prive semble-t-il le mandant, de toute possibilité d'engager sa responsabilité. En effet, la ratification s'apparente à une approbation non équivoque des agissements du mandataire.

e) Effets de la responsabilité

55. – En vertu du droit commun de la responsabilité contractuelle, le mandataire responsable doit réparer l'intégralité du préjudice subi par le mandant. À cet égard, les tribunaux refusent systématiquement de diminuer le montant des dommages-intérêts lorsque le mandat est à titre gratuit (Sur ce thème, V.  supra n° 49).

56. – Cependant, ils passent parfois outre l'application du principe de la réparation intégrale lorsque le mandataire responsable est rémunéré. Des sanctions aggravées sont alors envisageables, telles que la réduction de la rémunération du mandataire ( Cass. 1re civ., 22 mai 1985 : Bull. civ. I, n° 159) ou le maintien à sa charge des frais et avances qu'il a exposés au cours de l'exécution de sa mission ( Cass. com., 4 oct. 1988 : Bull. civ. IV, n° 259).

57. – Enfin, un problème spécifique s'est posé relativement aux dispositions de l'article 1996 du Code civil. Ce texte impose au mandataire de verser au mandant les sommes "qu'il a employées à son usage, à dater de cet emploi ; et de celles dont il est reliquataire, à compter du jour qu'il est mis en demeure". La Cour de cassation a précisé que le mandataire de mauvaise foi pouvait être condamné à verser des dommages-intérêts supplémentaires, à la condition que le mandant ait subi un préjudice indépendant de celui causé par le simple retard ( Cass. 1re civ., 9 mai 1990 : Bull. civ. I, n° 100).

58. – Les solutions retenues concernant les conditions et le régime de la responsabilité du mandataire sont applicables quelle que soit la configuration du contrat de mandat litigieux. Cela étant, en cas de substitution de mandataire, il devient nécessaire de prendre en considération la présence du mandataire substitué aux côtés du mandataire initial. En effet, le mandant se trouve alors face à deux responsables potentiels.

B. –  Responsabilité du mandataire et sous-mandat

59. – En principe, le caractère intuitus personae du contrat de mandat devrait, sauf accord du mandant, empêcher le mandataire de se substituer un tiers pour l'exécution de sa mission. D'ailleurs, la relation de confiance entre le mandant et le mandataire est parfois tellement marquée, qu'elle fait obstacle au recours à un mandataire substitué. Par exemple, la cession de son contrat par un agent commercial sans l'accord de son mandant, a justifié sa résiliation ( Cass. com., 14 janv. 1997 : D. 1997, inf. rap. p. 33).

60. – Pourtant, l'article 1994 du Code civil admet implicitement la substitution. En outre, les tribunaux formulent un principe selon lequel il "est loisible au mandataire de se substituer un tiers lorsque la loi ou la convention n'en disposent pas autrement" ( Cass. soc., 9 janv. 1974 : Bull. civ. V, n° 24). La substitution s'organise en général grâce à la conclusion d'un contrat de sous-mandat entre le mandataire initial et le mandataire substitué. À titre exceptionnel, les tribunaux ont adopté une conception large du substitut, en admettant qu'il pouvait ne pas avoir la qualité de mandataire. Cela étant, les règles relatives à la responsabilité du mandataire ne le concernent pas ( Cass. com., 9 déc. 1997 : Bull. civ. IV, n° 333).

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61. – En cas de sous-mandat, le régime de la responsabilité du mandataire fait l'objet de plusieurs aménagements, rendus nécessaires en raison de la présence de deux interlocuteurs potentiels du mandant. Concrètement, le mandant insatisfait peut espérer obtenir réparation de son préjudice auprès du mandataire initial (1) ou du mandataire substitué (2).

1° Responsabilité du mandataire initial

62. – Le traitement réservé au mandataire initial varie selon les modalités de la substitution. Il est plus souple quand la substitution a été autorisée par le mandant (a), que lorsqu'elle ne l'a pas été (b).

a) Substitution autorisée

63. – Agrément du mandataire substitué - Le mandataire substitué est parfois agréé par le mandant. C'est d'autant plus fréquent que, si l'autorisation du mandant ne se présume pas, elle peut être tacite. Elle peut ainsi être impliquée par l'objet du contrat, en particulier dans des hypothèses où le mandataire est dans l'obligation de s'adjoindre des auxiliaires pour pouvoir exécuter son mandat. Par exemple, une mainlevée d'hypothèques ne peut être réellement et utilement obtenue que par le notaire qui a reçu les obligations hypothécaires ( CA Orléans, 1er mai 1907 : DP 1907, 2, p. 189).

64. – Conditions de la responsabilité - Le mandataire originaire ne répond pas alors automatiquement des agissements de celui qu'il s'est substitué. C'est ce qui résulte implicitement de l'article 1994 du Code civil. Pour autant, la responsabilité du mandataire initial n'est pas systématiquement exclue.

65. – Sur le plan légal, l'alinéa 1er de l'article 1994 fait exception à l'irresponsabilité, quand le mandataire originaire a choisi une personne "notoirement incapable ou insolvable".

66. – Responsabilité pour faute - Sur le plan jurisprudentiel, les tribunaux admettent la responsabilité pour faute personnelle du mandataire initial qui ne choisit pas correctement son substitut. Par exemple, la Cour de cassation a engagé la responsabilité d'une agence de voyages au motif qu'elle avait mal choisi un correspondant à l'étranger, mettant ainsi en péril la sécurité de ses clients ( Cass. 1re civ., 19 déc. 1979 : D. 1980, inf. rap. p. 189. –  CA Paris, 12 juin 1997 : D. 1998, jurispr. p. 252, note Y. Dagorne-Labbé).

Commet encore une faute le mandataire originaire qui n'assiste pas le sous-mandataire dans l'exécution de sa mission. Ainsi, en est-il d'un avocat qui charge un avoué de former appel, tout en omettant de l'informer de la signification du jugement (Cass. 1re civ., 16 nov. 1977 : Bull. civ. I, n° 423).

Le mandataire initial doit également surveiller le mandataire substitué. Par exemple, l'agence de voyages faisant appel à un transporteur local dans le cadre de l'organisation d'un voyage à l'étranger commet une faute et engage sa responsabilité si elle ne veille pas à ce que le transport soit exécuté dans des conditions suffisantes de sécurité pour son client ( Cass. 1re civ., 29 mai 1980 : Bull. civ. I, n° 163. – 23 févr. 1983 : D. 1983, jurispr. p. 481, note P. Couvrat;  JCP G 1983, II, 19967, concl. Gulphe ; RTD civ. 1984, p. 322, obs. G. Durry. – 29 janv. 1991 : Bull. civ. I, n° 40 ; D. 1992, jurispr. p. 435, 2e esp., note P. Diener. –  CA Paris, 12 juin 1997  : préc. n° 41 ). Au bout du compte, il semble bien, même si les tribunaux se réfèrent expressément à une faute personnelle du mandataire initial, que ce dernier, en particulier lorsqu'il agit en tant que professionnel, soit pratiquement responsable des fautes de son substitut (Sur ce thème, V. A. Bénabent, op. cit.,n° 659). À propos de la responsabilité des agences de voyages, il faut noter qu'une loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 met désormais à la charge des agences de voyages, une obligation de résultat. Il n'est donc plus indispensable de faire la preuve d'un mauvais choix ou d'une défaillance de cette dernière. La survenance d'un dommage suffit, dans cette hypothèse particulière, à la mise en jeu de la responsabilité du mandataire originaire.

b) Substitution non autorisée

67. – La responsabilité du mandataire initial qui "n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un", est expressément prévue par l'article 1994, alinéa 1er, du Code civil.

68. – Responsabilité sans faute - En pratique, le mandataire initial est contractuellement responsable à l'égard du mandant de tous les faits et actes de son substitut, sans qu'il soit nécessaire de prouver sa faute ( Cass. 1re civ., 26 nov. 1981 : Bull. civ. I, n° 355. –  Cass. com., 2 déc. 1997 : Contrats, conc. consom. 1998,  comm. n° 42, obs. L. Leveneur).

2° Responsabilité du mandataire substitué

69. – La responsabilité du mandataire substitué peut être engagée, d'une part à l'égard du mandataire initial (a), et d'autre part à l'égard du mandant (b).

a) À l'égard du mandataire initial

70. – Lorsque le mandant subit un préjudice en raison de l'inexécution du contrat de mandat, il peut, on l'a dit, tenter d'engager la responsabilité du mandataire initial (Sur ce thème, V.  supra n° 62  s. ). Si une telle action aboutit, la question se pose de savoir si le mandataire initial dispose d'un recours contre son substitut.

71. – Action récursoire - Dans la mesure où le mandataire initial est le cocontractant direct du mandataire substitué, il peut effectivement exercer contre lui une action récursoire. Il doit alors démontrer que le dommage dont il doit réparation au mandant, trouve son origine dans une faute du mandataire substitué. Par exemple, la chambre commerciale a décidé qu'un commissionnaire de transport, responsable de plein droit envers le propriétaire de la marchandise transportée, a un intérêt légitime à agir contre le transporteur qu'il a choisi pour effectuer le transport ( Cass. com., 12 janv. 1988 : Bull. civ. IV, n° 28).

b) À l'égard du mandant

72. – Responsabilité contractuelle - L'article 1994, alinéa 2, du Code civil offre au mandant la possibilité d'agir directement contre la personne que le mandataire initial s'est substituée. Cette action est de nature contractuelle. On fait donc ici abstraction de l'absence de lien contractuel entre le mandant et le mandataire substitué. De ce point de vue, la solution retenue s'inscrit en opposition à la jurisprudence Besse. De cette dernière, il résulte que le principe de l'effet relatif des contrats énoncé à l'article 1165 du Code civil, fait obstacle à l'exercice d'une action d'un maître de l'ouvrage contre son sous-traitant engagée sur le terrain de la responsabilité contractuelle, en l'absence de lien contractuel entre eux ( Cass. ass. plén., 12 juill. 1991 : Bull. ass. plén., n° 5 ; D. 1991, jurispr. p. 549, note J. Ghestin;  JCP G 1991, II, 21743, note G. Viney ; RTD civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain ; ibid. 1992, p. 593, obs. F. Zénati).

73. – Absence de disposition légale - Le législateur n'a pas donné de directives précises quant au régime de l'action du mandant contre le mandataire substitué. Il a simplement prévu que l'action pouvait être engagée "dans tous les cas". Autrement dit, par référence au contexte de l'alinéa 1er de l'article 1994, il n'y a pas ici, de distinction à faire selon que la substitution a été, ou non, autorisée.

74. – Prévisions jurisprudentielles - À défaut d'indication supplémentaire, les tribunaux se sont préoccupés de fixer les principes directeurs de l'action en responsabilité du mandant contre le mandataire substitué.

75. – Responsabilité pour faute - Ainsi, il est admis que la responsabilité du mandataire substitué est une responsabilité pour faute. Autrement dit, le succès de l'action du mandant suppose que le substitut n'ait pas correctement exécuté la mission qui lui a été confiée par le mandataire initial. Par exemple, le mandataire substitué doit réparer le préjudice subi par le mandant dès lors qu'il n'a pas vérifié que la personne (le mandataire originaire !) à laquelle il a remis des fonds destinés au mandant, présentait toutes garanties à cet égard ( Cass. 1re civ., 23 janv. 1996 : Bull. civ. I, n° 39;  Resp. civ. et assur. 1996, comm. n° 137. – Dans le même sens, V.  Cass. com., 20 févr. 1996 : D. 1996, jurispr. p. 290, note Ph. Delebecque). En toute hypothèse, l'appréciation de la faute du mandataire substitué se fait uniquement par référence aux obligations dont il est tenu à l'égard du mandataire initial. Peu importe celles dont ce dernier est tenu à l'égard du mandant.

76. – Ignorance du mandataire substitué - Par ailleurs, la Cour de cassation a décidé que l'action directe du mandant pouvait être exercée, alors même que le mandataire substitué ignorait que son donneur d'ordre avait la qualité de mandataire initial. Peu importe donc que le substitut ne connaisse pas l'existence du mandat originaire et de la substitution. Sa responsabilité peut tout de même être engagée sur le fondement de l'article 1994, alinéa 2, du Code civil ( Cass. com., 14 oct. 1997 : D. 1998, jurispr. p. 115, rapp. J.-P. Rémery).

Adoptée dans le domaine des transports, la solution répond à des considérations d'opportunité. En effet, le recours à la substitution, aussi fréquent soit-il, est rarement porté à la connaissance du mandataire substitué. Dès lors, "subordonner la recevabilité de l'action directe à cette information pourrait revenir, en fait, à ce qu'elle ne puisse jamais être exercée, au détriment des intérêts du mandant pour qui la loi l'a créée" (J.-P. Rémery, rapp. préc.).

Un autre argument peut être énoncé à l'appui du principe énoncé par la Cour de cassation. La jurisprudence actuelle admet, par réciprocité à l'action en responsabilité du mandant contre le mandataire substitué, l'action du mandataire substitué contre le mandant en remboursement des sommes qu'il a payées pour son compte et en paiement de ses honoraires ( Cass. 1re civ., 27 déc. 1960 : D. 1961, jurispr. p. 491, J. Bigot ; RTD civ. 1961, p. 700, obs. G. Cornu. –  Cass. com., 8 juill. 1986 : Bull. civ. IV, n° 153. – 4 déc. 1990 : ibid., n° 312. – 20 juin 1995 : ibid., n° 189). Concernant le régime de cette action, les tribunaux ont décidé que le mandant ne peut opposer au sous-mandataire les paiements effectués au profit du mandataire originaire, quand bien même ils sont antérieurs à l'exercice, par le mandataire substitué, des droits propres qu'il tient des dispositions du second alinéa de l'article 1994 du Code civil ( Cass. com., 19 mars 1991 : Bull. civ. IV, n° 102 ; RTD civ. 1992, p. 415, obs. P.-Y. Gautier. – 5 oct. 1993 : Bull. civ. IV, n° 320 ; D. 1995, jurispr. p. 169, note F. Auckenthaler. – 24 mars 1998 : Contrat, conc. consom. 1998,  comm. n° 87, obs. L. Leveneur). Ils ont en revanche consacré l'opposabilité au sous-mandataire de la faute qu'il a commise dans le cadre de l'exécution de sa mission ( Cass. com., 25 juin 1991 : Bull. civ. IV, n° 237 ; RTD civ. 1992, p. 414, obs. P.-Y. Gautier). Par ailleurs, l'action du mandataire substitué est possible "dans tous les cas", en particulier quand la substitution n'est pas autorisée ( Cass. com., 9 nov. 1987 : Bull. civ. IV, n° 233) ou même quand le mandant ignore son existence ( Cass. com., 5 oct. 1993  : préc.). Ce dernier principe a sans doute influencé la décision de la Cour de cassation de ne pas subordonner la recevabilité de l'action en responsabilité du mandant contre le mandataire substitué, à la connaissance par ce dernier de l'opération de substitution. En effet, au-delà de la recherche du parallélisme des formes des deux actions, il "n'y a pas de raison d'être plus exigeant pour la recevabilité d'une action prévue par la loi que pour celle qui a été créée en marge du texte" (J.-P. Rémery, rapp. préc.).

77. – Si les tribunaux sont venus compléter à diverses reprises le régime de la responsabilité du mandataire à l'égard du mandant, ils l'ont fait sur la base de plusieurs dispositions du Code civil relatives aux obligations du mandataire à l'égard du mandant. En revanche, le législateur s'est peu préoccupé des rapports du mandataire avec les tiers au contrat de mandat. Seul l'article 1997 du Code civil donne quelques indications sommaires. Les juridictions ont donc fait oeuvre créatrice. Elles ont posé divers principes régissant aujourd'hui la responsabilité des mandataires à l'égard des tiers.

II. –  Responsabilité du mandataire envers les tiers

78. – L'article 1997 du Code civil dispose : "Le mandataire qui a donné à la partie avec laquelle il contracte en cette qualité une suffisante connaissance de ses pouvoirs n'est tenu d'aucune garantie pour ce qui a été fait au-delà, s'il ne s'y est personnellement soumis".

79. – Principe de l'irresponsabilité du mandataire - Ce texte constitue une application classique du principe de la représentation, d'où il résulte que le représentant (le mandataire) qui a effectué un acte au profit du représenté (le mandant), s'efface au terme de sa mission. Autrement dit, le contrat est réputé conclu directement entre le mandant et le tiers contractant. Par conséquent, le mandataire, simple instrument au service de la réalisation d'une opération juridique, n'est, en principe, pas tenu personnellement du contrat. En particulier, il n'est pas responsable envers les tiers de sa mauvaise exécution. Par exemple, le mandataire d'une société n'est pas tenu de rembourser aux clients de cette dernière, le montant d'un acompte versé sur le prix d'une commande non exécutée ( Cass. 1re civ., 14 nov. 1978 : Bull. civ. I, n° 346). De même, dans une hypothèse où un mandataire avait été chargé, au nom d'un club sportif, d'acheter des billets d'avion pour assurer le déplacement de footballeurs, la Cour de cassation a décidé qu'il n'était pas tenu au paiement de ces billets : "l'exécution des obligations contractuelles consenties par un mandataire au nom et pour le compte de son mandant, incombe à ce dernier seul ; les juges du fond ne peuvent donc pas prononcer la condamnation personnelle du mandataire en se bornant à la faire découler de cette qualité" ( Cass. 1re civ., 4 mars 1986 : D. 1986, inf. rap. p. 168). Enfin, dans une espèce où un mandataire n'était pas parvenu à utiliser les sommes à lui versées en vue d'un placement immobilier, la Cour de cassation a constaté qu'il avait bien agi dans l'exercice de ses fonctions, avant d'exclure sa responsabilité et de condamner le mandant à rembourser les sommes litigieuses ( Cass. 1re civ., 2 févr. 1999 : Resp. civ. et assur 1999,  comm. n° 142).

80. – La règle de la transparence consacrée par l'article 1997 du Code civil connaît cependant plusieurs exceptions. Ainsi, il existe plusieurs cas de figure dans lesquels la responsabilité du mandataire peut être engagée envers les tiers, soit sur le terrain contractuel (A), soit sur le terrain délictuel (B).

A. –  Responsabilité contractuelle du mandataire

81. – Le préjudice invoqué par le tiers contractant résulte le plus souvent du comportement du mandataire qui ne respecte pas les instructions qui lui ont été données par le mandant. Cette hypothèse est d'ailleurs expressément envisagée par l'article 1997 du Code civil (1). La mise en jeu de la responsabilité contractuelle du mandataire n'est cependant pas subordonnée au constat d'un dépassement des pouvoirs au sens classique du terme (2).

1° En cas de dépassement de pouvoir

82. – Connaissance de l'étendue des pouvoirs du mandataire - Les règles de la responsabilité contractuelles n'intéressent que l'hypothèse dans laquelle le tiers connaissait les limites des pouvoirs du mandataire.

83. – En principe, le tiers contractant qui connaît la nature des obligations du mandataire, ne peut obtenir la mise en jeu de la responsabilité de ce dernier. Peu importe que le mandataire ait accompli des actes au-delà des limites de son mandat. C'est ce que prévoit expressément l'article 1997 du Code civil in fine. La solution s'impose. En effet, le tiers n'a pas contesté l'excès de pouvoir du mandataire au moment de l'intervention de ce dernier. Ce faisant, il a accepté un risque en connaissance de cause. Par là même, il a écarté tout lien de causalité entre le préjudice qu'il invoque et la faute du mandataire (Sur ce thème, V. Ph. Pétel, Les obligations du mandataire, op. cit., n° 115. – Ph. le Tourneau et L. Cadiet, op. cit.,n° 1881). Or l'existence d'un lien de causalité est un élément indispensable à la mise en jeu de la responsabilité du mandataire. Les tribunaux ont systématiquement rejeté l'action du tiers engagée contre le mandataire dans un tel contexte, au motif que "son préjudice provient de sa propre faute". Par exemple, le président du conseil d'administration d'une société qui, sans pouvoirs suffisants, a promis une prorogation de bail à un locataire de la société, n'est pas responsable du préjudice résultant, pour ce dernier, de son expulsion au terme du bail primitif, dès lors que le locataire connaît l'insuffisance des pouvoirs du promettant, et qu'il demande parallèlement à la société une prorogation de bail, en dissimulant celle qui lui a été promise par le dirigeant ( Cass. civ., 9 juill. 1872 : DP 1872, 1, p. 404). La même solution a été adoptée dans un cas où un tiers, bien que non informé expressément par le mandataire du dépassement de pouvoir, avait été "mis en mesure de connaître exactement la limite des pouvoirs" ( Cass. 1re civ., 16 juin 1954 : Bull. civ. I, n° 200).

84. – Exception : promesse de porte-fort et responsabilité du mandataire - Cela étant, la connaissance de l'étendue des pouvoirs du mandataire, ne constitue pas toujours un obstacle au succès de l'action en responsabilité mise en oeuvre sur le terrain contractuel. Ainsi, l'article 1997 réserve l'hypothèse de "l'engagement personnel" du mandataire à l'égard du tiers. Cet engagement personnel prend généralement la forme d'une promesse de porte-fort : le mandataire, après avoir informé le tiers de son intention d'aller au-delà des pouvoirs qui lui sont conférés par le contrat de mandat, s'engage à obtenir la ratification, par le mandant, des actes ainsi accomplis. Si la ratification intervient effectivement, le mandataire échappe à toute action engagé contre lui. C'est le mandant qui est engagé à l'égard du tiers. À défaut de ratification, le tiers peut invoquer l'inexécution de la promesse, et des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 1120 du Code civil ( Cass. 1re civ., 10 mars 1954 : Bull. civ. I, n° 91).

2° En l'absence de dépassement de pouvoir

85. – Principe : irresponsabilité du mandataire - On l'a dit, le mandataire qui agit dans la limite de ses pouvoirs n'est en principe pas tenu des conséquences de ses actes. Seul le mandant est en principe responsable envers les tiers (Sur ce thème, V.  supra n° 78  s. ).

86. – Exception - Il existe cependant une exception à ce principe : celle dans laquelle le mandataire n'a pas informé le tiers contractant qu'il agissait au nom et pour le compte d'un mandant. Cette omission du mandataire revêt diverses facettes (a). Mais les règles relatives à la responsabilité du mandataire se caractérisent par une relative harmonie (b).

a) Diversité des omissions

87. – Négligence ou comportement volontaire - L'omission peut être la conséquence d'une simple négligence du mandataire.

Mais il est aussi des cas dans lesquels l'omission du mandataire procède d'un comportement volontaire. Le mandataire agit certes pour le compte d'autrui. Mais il utilise son propre nom, sans révéler celui de la personne qui l'a investi d'une mission. Pour ce type de "mécanisme juridique", certains auteurs parlent de "mandats sans représentation" (A. Bénabent, op. cit.,n° 694 s. – F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, op. cit.,n° 660 s.). D'autres auteurs excluent la qualification de mandat au sens traditionnel du terme. Ils préfèrent les expressions "mandats conditionnels ou imparfaits" (Ph. le Tourneau et L. Cadiet, op. cit.,n° 1846).

88. – La question de la responsabilité du mandataire à l'égard des tiers se pose concernant deux types de mandat "sans représentation" ou "imparfait" particulier : le contrat de commission (1) et la convention de prête-nom (2).

1) Contrat de commission

89. – Caractéristiques du contrat - Le contrat de commission fait l'objet de dispositions légales figurant à l'article 94 du Code de commerce. Ce texte dispose :

« Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant.

Les devoirs et les droits du commissionnaire qui agit au nom d'un commettant sont déterminés par le Code civil, livre III, titre XIII ».

 

90. – Responsabilité du commissionnaire - De ce texte, il résulte que le commissionnaire, s'il agit bien pour le compte d'autrui (en l'occurrence un acheteur ou en vendeur de marchandises), le fait "en son propre nom". Autrement dit, le tiers contractant ne connaît que le commissionnaire, et la règle de la transparence n'a plus de raison d'être.

2) Convention de prête-nom

91. – Caractéristiques de la convention - Dans certains cas de figure, le mandataire a conclu avec le mandant un accord, aux termes duquel le premier doit cacher au tiers la présence du second. Cette convention, dite de prête-nom, intervient chaque fois que le mandant ne souhaite pas apparaître dans l'acte juridique. Le mandataire dissimule délibérément l'identité de celui au nom et pour le compte duquel il agit.

92. – Licéité de la simulation - Si la simulation a parfois un caractère illicite ou frauduleux, le mandant utilisant le mécanisme de l'interposition de personnes afin de réaliser une opération qui lui est interdite (par exemple investir le capital d'une société malgré une interdiction ou effectuer des actes au détriment de ses créanciers), ce n'est pourtant pas systématique. Ainsi, la convention de prête-nom peut être conclue pour des motifs légitimes, en particulier quand le mandant masque son identité par crainte de subir des conditions discriminatoires illicites. C'est le cas en particulier du distributeur qui pratique des prix bas, et qui est mis à l'écart par les fabricants (Sur ce thème, V. A. Bénabent, op. cit.,n° 698).

93. – Quelles que soient les considérations qui expliquent l'omission du mandataire, sa responsabilité contractuelle peut, sous certaines réserves, être engagée envers les tiers.

b) Identité des régimes de la responsabilité

94. – Responsabilité contractuelle - Quelle que soit l'hypothèse envisagée, l'ignorance du tiers concernant l'existence du contrat de mandat crée une relation directe entre lui et le mandataire. Le mandataire n'est pas alors un simple représentant, un simple "instrument" utilisé en vue de l'accomplissement d'une opération juridique déterminée, disparaissant au terme de celle-ci. C'est à lui qu'incombe la tâche d'exécuter le contrat conclu. Il est personnellement débiteur d'obligations à l'égard du tiers. S'il ne respecte pas ses obligations, sa responsabilité peut être engagée sur le terrain contractuel. Cela étant, si sa qualité de mandataire disparaît dans ses rapports avec le tiers contractant, elle réapparaît dans ses rapports avec le mandant. Par conséquent, le mandataire tenu de réparer le préjudice subi par le tiers, a la faculté d'exercer une action récursoire à l'encontre de son mandant.

95. – Cas particuliers - Plusieurs décisions jurisprudentielles ont consacré cette solution.

Dans le cadre du contrat de commission, il a été décidé que le commissionnaire était personnellement tenu de l'exécution du contrat. Peu importe que les tiers aient eu connaissance de l'identité du mandant. Par exemple, c'est à lui qu'incombent l'obligation de délivrance et la garantie des vices cachés pour une vente ( Cass. com., 7 mai 1962 : Bull. civ. III, n° 240. – 15 juill. 1963 : ibid., n° 378). De même, le commissionnaire de transport qui omet d'informer en temps utile son commettant de difficultés sérieuses survenues au moment de la livraison des marchandises transportées, commet une faute de nature à engager sa responsabilité ( Cass. com., 13 déc. 1982 : Bull. civ. IV, n° 413).

Plus généralement, dans une hypothèse où une société qui avait fait appel à un personnel important de monteurs et de techniciens refusait de payer la société fournisseur en invoquant sa qualité de mandataire, la Cour de cassation a posé en principe que "le mandataire qui traite en son propre nom avec un tiers devient le débiteur direct de ce dernier, sauf son recours contre le mandant", pour lui imposer de régler les factures litigieuses, "sans préjudice de l'imputation finale des paiements" éventuellement mis à la charge du mandant au terme de l'action récursoire engagée par le mandataire ( Cass. 3e civ., 17 oct. 1972 : Bull. civ. III, n° 528). De même, un locataire avait formé contre une société, mandataire du propriétaire chargé de la gestion du logement loué, une demande tendant à la réfection de peintures et de tapisseries, et à la pose d'appareils de ventilation. La société s'opposait à la demande en faisant valoir qu'elle aurait dû être dirigée contre le mandant. La Cour de cassation n'a pas retenu cette argumentation en rappelant une nouvelle fois que "le mandataire qui traite en son propre nom avec un tiers devient débiteur de ce dernier, sauf son recours contre le mandant". La solution s'imposait en l'espèce. En effet, le locataire avait conclu le contrat de bail avec le seul mandataire, sans connaître le nom du propriétaire ( Cass. 1re civ., 17 nov. 1993 : Bull. civ. I, n° 329 ; Defrénois 1994,  art. 35845, p. 791, obs. Ph. Delebecque. – Dans le même sens, Cass. civ., 8 mai 1872 : DP 1872, 1, p. 348. –  Cass. req., 26 avr. 1876 : DP 1876, 1, p. 492. – 3 mai 1893 : ibid. 1893, 1, p. 567. –  Cass. com., 31 mai 1981 : Bull. civ. IV, n° 168;  JCP G 1981, IV, 221).

96. – Exception - Il faut cependant réserver l'hypothèse dans laquelle, en présence d'une convention de prête-nom, le tiers est complice de la simulation. À ce titre, il ne bénéficie pas de la faculté qui lui est habituellement offerte de s'en tenir à l'apparence, en recherchant la responsabilité du prête-nom. Ce dernier n'est pas personnellement tenu envers lui. Ainsi, à l'occasion d'une vente simulée en vue de l'obtention d'un prêt, l'acquéreur étant le prête-nom du vendeur pour le bénéfice de ce prêt, la banque, qui avait connaissance de la convention occulte, ne peut exiger du prête-nom, remboursement des échéances ( Cass. 3e civ., 8 juill. 1992 : Bull. civ. III, n° 246 ; RTD civ. 1993, p. 352, obs. J. Mestre).

97. – Si la responsabilité contractuelle du mandataire peut être engagée envers les tiers, elle peut également être mise en jeu sur le terrain délictuel.

B. –  Responsabilité délictuelle du mandataire

98. – À l'instar des solutions retenues sur le terrain contractuel, le préjudice invoqué par le tiers à l'appui de sa demande en réparation peut procéder d'un dépassement de pouvoir du mandataire (1). Pour autant, l'existence d'un excès de pouvoir n'est pas une condition sine qua non de la mise en jeu de la responsabilité du mandataire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (2).

1° Dépassement de pouvoir nécessaire

99. – Ignorance de l'étendue des pouvoirs du mandataire - On se situe ici dans l'hypothèse inverse de celle qui donne lieu à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du mandataire, laquelle suppose qu'il se soit engagé personnellement à l'égard du tiers contractant informé de l'étendue de ses prérogatives (Sur ce thème, V.  supra n° 81  s. ).

100. – Responsabilité pour faute - Le mandataire qui outrepasse les pouvoirs conférés par le contrat de mandat, donne au tiers contractant de fausses informations concernant l'étendue de sa procuration. Ce faisant, il commet une faute, consistant dans le fait d'avoir laissé penser qu'il agissait en tant que mandataire, et d'avoir ainsi induit en erreur le tiers contractant ( Cass. 1re civ., 3 mai 1955 : Bull. civ. I, n° 180. – 14 nov. 1978 : ibid., n° 346, sol. impl.). Cette faute peut être le fait générateur d'un dommage causé au tiers, lequel, au regard de l'article 1998, alinéa 2, du Code civil, ne dispose pas d'action contre le mandant, sauf ratification des actes accomplis par le mandataire ou mise en oeuvre de la théorie du mandat apparent. En revanche, le tiers peut tenter d'engager la responsabilité du mandataire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, envers le tiers contractant, mais également envers toute personne intéressée à l'exécution du contrat ( Cass. 1re civ., 11 avr. 1995 : Bull. civ. I, n° 171 ; D. 1995, somm. p. 231, obs. Ph. Delebecque ; RTD civ. 1995, p. 897, obs. P. Jourdain). En l'espèce, la première chambre civile reprochait à un mandataire d'avoir donné au tiers contractant, "une interprétation erronée de la volonté de ce dernier, et contraire à ses intérêts".

101. – Fondement de la responsabilité - La solution résulte sans aucun doute d'une interprétation a contrario de l'article 1997 du Code civil : le mandataire qui n'a pas donné à la partie avec laquelle il contracte en cette qualité une suffisante connaissance de ses pouvoirs, est tenu à garantie pour ce qui a été fait au-delà du mandat.

102. – Toutefois, le principe de la mise en jeu de la responsabilité délictuelle du mandataire qui n'informe pas le tiers contractant de l'étendue de ses pouvoirs, connaît une exception justifiée par le droit des régimes matrimoniaux. Quand un conjoint vend un bien commun hors des limites de ses pouvoirs, la sanction prévue par l'article 1427 du Code civil est la nullité de l'acte. Dès lors, l'acte est privé d'effet, spécialement dans les rapports du conjoint vendeur et du tiers acquéreur : le fait pour le conjoint d'avoir accompli l'acte litigieux sans le consentement de son époux ou épouse, ne constitue pas une faute qui engage sa responsabilité envers le tiers contractant ( Cass. 1re civ., 24 mars 1981 : Bull. civ. I, n° 99 ; RTD civ. 1981, p. 854, obs. G. Durry. – 11 janv. 1983 : Bull. civ. I, n° 14. – 28 mars 1984 :  JCP G 1985, II, 20430, note M. Henry). Selon un auteur, la solution s'explique en raison de la rupture du lien de causalité par la négligence de l'acquéreur et de ses conseils, entre la faute initiale du conjoint vendeur et la conclusion de la vente (G. Durry, obs. préc.ss  Cass. 1re civ., 24 mars 1981).

103. – Modalités de la réparation - La question s'est posée des modalités de la réparation du préjudice subi par le tiers contractant. De façon générale, les tribunaux semblent peu favorables à une réparation en nature consistant, en l'occurrence, à la condamnation du mandataire à exécuter l'acte conclu. À cet égard, la Cour de cassation a clairement précisé que le mandat apparent a pour seul effet d'obliger le mandant à exécuter les engagements pris envers les tiers par le mandataire apparent, mais non d'y obliger ce dernier ( Cass. com., 21 mars 1995 : Bull. civ. IV, n° 101 ; D. 1995, inf. rap. p. 139). Pourtant, cette solution permettrait de sauvegarder au mieux les intérêts du tiers. En effet, il serait placé dans une situation semblable à celle qui aurait été la sienne en présence d'un contrat de mandat. Les tribunaux préfèrent opter pour l'allocation de dommages-intérêts.

2° Dépassement de pouvoir indifférent

104. – Qu'il ait ou non respecté les directives données par le mandant, le mandataire peut engager sa responsabilité sur le terrain délictuel, soit que ses agissements soient constitutifs d'un délit ou d'un quasi-délit (a), soit en raison de sa qualité particulière de mandataire professionnel (b).

a) Existence d'un délit ou d'un quasi-délit

105. – Principe de la responsabilité du mandataire - Quand le mandataire commet des fautes causant des préjudices au tiers contractant, il engage sa responsabilité envers ce tiers. En l'absence de lien contractuel entre les protagonistes, cette responsabilité est nécessairement engagée sur le terrain des articles 1382 et suivants du Code civil. La jurisprudence est constante en ce sens. Par exemple, une société française a vendu à une société égyptienne des lots de bois. La marchandise est transportée à Marseille, où elle doit être chargée sur des navires, et acheminée vers l'Égypte, sous la responsabilité d'un organisme d'État égyptien représenté en France par un mandataire. Les lots de bois ayant été embarqués avec retard, le mandataire demande au vendeur remboursement des frais de stationnement à Marseille. La cour d'appel rejette cette demande au motif que le demandeur, mandataire exclusif de l'organisme d'État égyptien doit, en cette qualité, répondre des fautes de son mandant, en l'occurrence à l'origine du retard. La Cour de cassation censure cette décision dès lors que "la responsabilité du mandataire ne peut être engagée à l'égard d'une personne autre que le mandant, que sur le fondement délictuel ou quasi délictuel" ( Cass. com., 9 mai 1985 : Bull. civ. IV, n° 143). La Cour de cassation a récemment rappelé que "le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur préjudice dans l'accomplissement de sa mission" ( Cass. 3e civ., 6 janv. 1999 :  Resp. civ. et assur. 1999, comm. n° 72). Le principe selon lequel nul ne peut se soustraire aux conséquences de ses délits ou quasi-délits, semble justifier cette solution systématiquement retenue par les tribunaux (Sur ce thème, V. D. Alexandre,  J.-Cl. Civil Code 1991 à 2002,  Fasc. 2, 111).

106. – Non-respect des instructions du mandant - La responsabilité du mandataire peut certainement être engagée quand il ne respecte pas les directives de son mandant. Ainsi, la banque qui reçoit d'un de ses clients titulaire d'un compte courant, un ordre d'affectation spéciale constituant un mandat de réserver au profit d'un bénéficiaire déterminé une somme perçue en règlement d'un effet de commerce, engage sa responsabilité si elle refuse d'exécuter cet ordre à la date convenue en raison de l'insuffisance du solde créditeur du compte courant ( Cass. com., 23 avr. 1985 : Bull. civ. IV, n° 121). De même, un sous-traitant est recevable à invoquer à l'encontre d'une banque qui, ayant été créditée de sommes versées par le maître de l'ouvrage, fait échec à l'affectation de ces sommes au paiement de ce sous-traitant, une faute délictuelle ( Cass. com., 19 avr. 1985 : Bull. civ. IV, n° 118). Le commissionnaire en douane qui se livre à une fausse déclaration concernant l'origine de marchandises destinées à l'exportation, est personnellement responsable, envers l'administration des douanes de ses agissements fautifs ( Cass. com., 30 janv. 1990 : Bull. civ. IV, n° 28). Enfin, dans une hypothèse où des livraisons de matériaux faites à un débiteur en règlement judiciaire étaient restées impayées, le fournisseur a recherché la responsabilité du syndic. La chambre commerciale a considéré que le défendeur, au moment où il apposait son visa sur les bons de commande, aurait dû vérifier que les marchandises pouvaient être payées ( Cass. com., 11 oct. 1988 : Bull. civ. IV, n° 270).

107. – Respect des instructions du mandant - La responsabilité du mandataire peut également être engagée quand il agit sur les instructions de son mandant. C'est ce qu'a explicitement admis une chambre mixte de la Cour de cassation le 26 mars 1971 : "le mandataire est responsable personnellement envers les tiers des délits et quasi-délits qu'il peut commettre, soit spontanément, soit même sur les instructions du mandant dans l'accomplissement de sa mission" ( Cass. ch. mixte, 26 mars 1971 :  JCP G 1971, II, 16762, note R. Lindon). Simplement, dans ce dernier cas de figure, la responsabilité du mandant est également engagée par application du principe de la représentation. On parle alors de responsabilité in solidum ( Cass. ch. mixte, 26 mars 1971  : préc. – Sur ce thème, V. spécialement A. Bénabent, op. cit.,n° 672).

La première chambre civile a confirmé à plusieurs reprises cette solution. Par exemple, le gérant d'un immeuble, mandataire du propriétaire, qui a ordonné des travaux et commis une faute à l'origine du préjudice subi par un locataire, engage sa responsabilité délictuelle alors même qu'il suit scrupuleusement les instructions du mandant ( Cass. 1re civ., 20 avr. 1977 : Bull. civ. I, n° 181). De même, la faute commise par un nu-propriétaire qui a contribué à créer l'apparence de régularité d'un bail passé sans son accord, n'est pas de nature à exonérer totalement le mandataire de l'usufruitier de la responsabilité qu'il encourt en concluant un acte au mépris des dispositions de l'article 595, alinéa 4, du Code civil. Peu importe que le mandataire, en communiquant de fausses informations au tiers contractant, ait suivi les directives de son mandant ( Cass. 1re civ., 13 oct. 1992 : Bull. civ. I, n° 250).

108. – Contrôle de la Cour de cassation - En toute hypothèse, la Cour de cassation exerce un contrôle sur l'appréciation par les tribunaux de la faute du mandataire. Ainsi, une banque (mandataire) qui prélève ses frais d'intervention à l'occasion d'un transfert de fonds effectué au profit d'un client à la demande d'une autre banque (mandant) ne commet pas nécessairement une faute délictuelle ou quasi délictuelle, spécialement dans l'hypothèse où elle prétend avoir strictement respecté les instructions de son mandant. C'est au client qui demande, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, versement d'une indemnité correspondant au montant des frais prélevés, qu'il incombe de caractériser la faute de la banque ( Cass. com., 14 févr. 1989 : Bull. civ. IV, n° 64).

109. – Non-validité des clauses exclusives de responsabilité - Par ailleurs, les tribunaux se prononcent contre la validité des clauses figurant dans le contrat conclu avec le tiers contractant, aux termes desquelles sont exclus les recours mis en oeuvre par ce tiers contre le mandataire en vue d'engager sa responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ( Cass. 1re civ., 20 juin 1995 : Bull. civ. I, n° 270). Aucune stipulation contractuelle ne peut donc faire obstacle à la mise en jeu de la responsabilité du mandataire sur le terrain délictuel.

110. – Tier penitus extranei - Enfin, les tiers contractants ne sont pas les seuls bénéficiaires des solutions jurisprudentielles consacrant la responsabilité du mandataire sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil. Les tiers penitus extranei, bien qu'ils soient parfaitement étrangers à l'opération juridique justifiant l'intervention du mandataire, peuvent également demander réparation de leur préjudice sur le terrain délictuel. Encore faut-il établir que le mandataire a commis une faute "détachable du contrat de mandat". Par exemple, le gérant d'une société civile immobilière qui, ayant reçu à l'occasion de la vente sur saisie immobilière de divers appartements faisant partie de l'actif social, le commandement et la sommation d'avoir à assister à la vente, et ayant désigné au poursuivant les lots d'un associé en vue de leur saisie, n'informe pas ce dernier de la menace qui pèse sur la jouissance de ses parts sociales, est responsable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ( Cass. 1re civ., 1er févr. 1984 : Bull. civ. I, n° 47). Plus récemment, la chambre commerciale de la Cour de cassation a énoncé de façon très générale un principe, jusqu'alors appliqué au cas par cas par les tribunaux : "la responsabilité personnelle d'un dirigeant (social) à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement" ( Cass. com., 28 avr. 1998 : D. affaires 1998, p. 1008, obs. A. L.). Il faut toutefois souligner que, même si le régime de la responsabilité des dirigeants sociaux est souvent abordé dans le cadre des développements relatifs aux mandataires, ils sont davantage des organes de la société, que des mandataires à proprement parler. En effet, ils ne peuvent être mandataires de la société, personne morale dépourvue de volonté, pas plus qu'ils ne peuvent être mandataires des associés dans la mesure où ils n'agissent pas en leur nom et pour leur compte, mais au nom et pour le compte de la société. La situation d'un administrateur de biens est moins ambiguë. Véritable mandataire du propriétaire, il est responsable envers les voisins, lorsqu'il n'impose pas au locataire la souscription d'une police d'assurance ( Cass. 2e civ., 4 oct. 1995 : Bull. civ. II, n° 230).

b) Situation particulière du mandataire professionnel

111. – Très sévère à l'égard des professionnels de façon générale, la jurisprudence actuelle n'épargne pas les mandataires professionnels. Ainsi, les tribunaux n'hésitent pas à engager la responsabilité délictuelle des mandataires professionnels qui manquent à leur obligation de conseil à l'égard des tiers. Par exemple, il est admis qu'un agent immobilier, en sa qualité de professionnel, ne peut ignorer les désordres apparents affectant un immeuble vendu par son entremise. Il manque à son devoir de conseil et engage sa responsabilité, s'il n'informe pas l'acheteur de leur existence ( Cass. 1re civ., 18 avr. 1989 : Bull. civ. I, n° 150). Un agent immobilier est encore tenu, en sa qualité de professionnel, de vérifier, spécialement par la consultation du titre de propriété, si l'immeuble que son mandant l'a chargé de vendre, peut être affecté par l'usage auquel l'acquéreur le destine. À défaut de s'acquitter de cette tâche, sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ( Cass. 1re civ., 26 mars 1996 : Bull. civ. I, n° 154). Un notaire qui affirme l'authenticité d'une convention emportant translation d'un bien immobilier est responsable pour ne pas avoir accompli la formalité essentielle consistant dans le fait de s'assurer de l'état des inscriptions hypothécaires pouvant grever le bien ( Cass. 1re civ., 6 janv. 1994 : Bull. civ. I, n° 7). Un garagiste mandaté pour vendre un véhicule, engage sa responsabilité délictuelle dès lors qu'il ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel de l'automobile ayant personnellement utilisé l'objet de la vente pendant quinze jours, les vices le rendant impropre à sa destination ( Cass. 1re civ., 5 oct. 1994 : Bull. civ. I, n° 276).

112. – Quelques rares décisions ont semblé marquer des velléités dissidentes. Ainsi, la première chambre civile a écarté la responsabilité pour faute du mandataire professionnel qui n'a pas recherché les vices cachés susceptibles d'affecter le voilier qu'il était chargé de vendre ( Cass. 1re civ., 20 juin 1995  : préc. n° 109). La chambre commerciale de la Cour de cassation a également réduit le champ d'application de la responsabilité délictuelle en précisant que, si la faute contractuelle d'un mandataire à l'égard de son mandant peut être qualifiée de faute quasi délictuelle à l'égard d'un tiers, c'est à la condition qu'elle constitue la violation d'une obligation générale de prudence et de diligence. Dans l'espèce sur laquelle elle devait statuer, la seule faute pouvant être reprochée à un courtier d'assurance maritime consistait dans un manquement à son devoir de conseil envers un chantier naval (mandant). Elle n'était pas de nature à engager sa responsabilité délictuelle envers les armateurs, clients de son mandant ( Cass. com., 17 juin 1997 : Bull. civ. IV, n° 187).

113. – Aggravation du régime de responsabilité - Mais plus récemment, la première chambre civile a rendu un arrêt de cassation au visa de l'article 1382 du Code civil, posant le principe suivant : "un intermédiaire professionnel qui prête son concours à la rédaction d'un acte après avoir été mandaté par l'une des parties, est tenu de s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention, même à l'égard de l'autre partie". En l'occurrence, un vendeur (tiers contractant) a obtenu la mise en jeu de la responsabilité d'un agent immobilier (mandataire), auquel elle a reproché de ne pas avoir vérifié la solvabilité de l'acquéreur (mandant) ( Cass. 1re civ., 25 nov. 1997 :  Resp. civ. et assur. 1998, comm. n° 52). La généralité de la formule est très significative de la détermination de la première chambre civile à adopter des solutions rigoureuses à l'encontre des mandataires professionnels.

114. – Responsabilité délictuelle - Cette jurisprudence porte un nouveau coup au principe de la représentation. En effet, le mandataire professionnel ne peut échapper aux conséquences de sa faute, quand bien même celle-ci se résume simplement à un manquement au devoir de conseil. Certes la présence du mandant n'est pas totalement occultée, puisque la responsabilité du mandataire professionnel est engagée sur le terrain délictuel. La Cour de cassation, dans l'arrêt du 25 novembre 1997, devait justement répondre à la question de savoir si la responsabilité du mandataire envers les tiers devait être mise en oeuvre sur le terrain contractuel, ce qui supposait un effacement complet de la personne du mandant. Elle a opté clairement pour une responsabilité délictuelle, mettant un terme, au moins ponctuel, aux interrogations suggérées par une juridiction du fond laquelle avait admis, il y a quelques années, la responsabilité contractuelle de l'administrateur judiciaire d'une pharmacie qui avait, sans l'accord de la propriétaire de l'officine, licencié une salariée ( CA Aix-en-Provence, 6 nov. 1989 : RTD civ. 1990, p. 276, obs. J. Mestre).

115. – Les règles relatives à la responsabilité du mandataire participent à l'évolution du mandat. Elles sont significatives de l'influence de la professionnalisation de ce contrat sur l'ensemble des principes qui le régissent. Ainsi, la responsabilité du mandataire est de plus en plus aisément engagée, que ce soit envers le mandant ou envers les tiers. Les obligations qui pèsent sur la mandataire en qualité de professionnel (obligation de diligence, de loyauté, et surtout obligation d'information et de conseil), sont plus sévèrement appréciées par les tribunaux. De même, le traitement réservé au mandataire rémunéré est beaucoup moins favorable que celui dont bénéficie le mandataire bénévole.

116. – Ce mouvement d'aggravation des conditions et du régime de la responsabilité au détriment du mandataire atténue la spécificité du contrat de mandat. Le mandataire est avant tout perçu comme un professionnel. Il est soumis aux principes aujourd'hui appliqués par les tribunaux aux professionnels de façon générale. Il supporte les sanctions prononcées à l'encontre des professionnels quelle que soit la nature de leur activité. Au bout du compte, on perçoit de plus en plus difficilement l'originalité du droit de la responsabilité du mandataire fondé sur les articles 1991 et suivants du Code civil.

 

 

 

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